Programme 2022-2023

Les collections vivantes au prismes des sciences humaines et sociales

SEMINAIRE OUVERT A TOUS. Au Muséum national d’histoire naturelle et à distance. Bâtiment d’entomologie (Grand amphi, rez-de-chaussée). 45 rue Buffon, Paris (métro 5 Gare d’Austerlitz, ou métro 7 Jussieu ou Place Monge. bus 24 ou 89 arrêt Buffon-Jardin des Plantes).

Jeudi 14h-17h : 1er et 15 décembre 2022, 5 et 19 janvier 2023, 2 février 2023, 17 mars 2023

Contacts : mathilde.gallaykeller@ehess.fr, serge.reubi@mnhn.fr, melanie.roustan@mnhn.fr

Programme

01/12/22: La partie et le tout. Les collections vivantes au prisme des sciences humaines et sociales

Serge Reubi et Mélanie Roustan : Introduction. Retours et mises en perspectives

Marine Bellégo : “Plans et plantes : les défis de la botanique, Calcutta, XIXe siècle”

15/12/22 : Ordonnancer pour exposer. La monstration des animaux, des ménageries médiévales aux expositions universelles au XIXe siècle

Thierry Buquet : “Garder et montrer les animaux exotiques dans les ménageries médiévales“

Sophie Corbillé et Emmanuelle Fantin : “Les animaux dans les expositions universelles au XIXe siècle: monstration, ordonnancement et requalification du vivant. Paris et Londres, 1851-1889″

05/01/23: Biographies animales. Retrouver la singularité des individus au sein de la collection

Santiago Aragon : “Sur la peau d’un animal. Biographies zoologiques figées dans des vitrines”

Vanessa Manceron : “Collectes naturalistes et assemblages : entre inventaires et suivis d’oiseaux”

02/02/23: Le vivant dans les collections d’art. Enjeux de conservation et d’exposition

Tiziana Beltrame: “Ethnographie de piégeage d’insectes dans un espace d’exposition d’objets d’art et d’ethnographie extra européenne à Paris“

Cyrille Bret: “Le vivant dans les collections d’art contemporain : entre impossibilité de vivre en situation de collection et impossibilité de perdurer en situation d’exposition, l’entité vivante au prisme de sa mise en protocole”

17/03/2023 (19/01/23): Collections vivantes et histoire des pathogènes 

Claas Kirchhelle: “Cultures & Codes: the evolving use of bacterial culture collections (ca. 1917-2022)”

Lionel Gagnevin: “Deux cents ans de solitude : les herbiers de muséums, conservatoires de l’histoire évolutive des pathogènes des cultures“

Programme détaillé

Séance 1. Jeudi 1er décembre 23. 14h-17h. Museum. 45 rue Buffon, Paris, Petit amphithéâtre d’entomologie (également à distance).

La partie et le tout. Les collections vivantes au prisme des sciences humaines et sociales

Après une introduction générale par les organisateurs du séminaire, centrée sur une réflexion sur les liens entre la partie et le tout dans les collections vivantes, nous aurons le plaisir de recevoir Marine Bellégo.

Serge Reubi et Mélanie Roustan (avec la collaboration de Mathilde Gallay-Keller) : Introduction. Retours et mises en perspectives.

Invité(e)s :

Marine Bellégo (Histoire, Université Paris Cité, LARCA, Laboratoire de recherche sur les cultures anglophones)

Plans et plantes : les défis de la botanique, Calcutta, XIXe siècle

Résumés, bios et bibliographie

Marine Bellégo. Ancienne élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, Marine ­Bellégo est maîtresse de conférence à l’université de Paris où elle enseigne l’histoire britannique. Titulaire d’un doctorat en histoire à l’École des hautes études en sciences sociales, elle est membre du LARCA (Laboratoire de recherches sur les cultures anglophones – UMR 8225) et chercheuse associée au Centre Alexandre-Koyré (UMR 8560). Ses recherches portent notamment sur l’Empire britannique, l’histoire environnementale et les cultures maritimes. La thèse de doctorat dont ce livre est issu a reçu en 2021 le prix Jacqueline Bardolph de la SEPC (Société d’études postcoloniales) : Enraciner l’empire : une autre histoire du jardin botanique de Calcutta (1860-1910), Paris, Publications scientifiques du Muséum, collection Archives, 2021.

Résumé. Plans et plantes : les défis de la botanique, Calcutta, XIXe siècle — La plupart des jardins botaniques ont tenté d’illustrer un ordre botanique au moyen de la disposition raisonnée de plantes vivantes. Il s’agissait de rendre accessible aux visiteurs les principes de classification botanique qui sous-tendaient les discours scientifiques sur les plantes. Cette volonté s’est souvent heurtée à la réalité du terrain et du climat. Dans le jardin botanique de Calcutta, l’un des plus grands jardins botaniques coloniaux, le jeune botaniste William Griffith tenta dans les années 1840 de transformer le jardin en une sorte de manuel vivant de botanique. Ses successeurs ne cessèrent par la suite de se lamenter sur les conséquences désastreuses de cette tentative. Cet épisode est l’occasion d’explorer les rôles variés et parfois contradictoires que jouaient ces jardins dans leur environnement à la fois naturel et social.

Séance 2. Jeudi 15 décembre 22. 14h-17h. Museum. 45 rue Buffon, Paris, Grand amphithéâtre d’entomologie. (également à distance).

Ordonnancer pour exposer. La monstration des animaux, des ménageries médiévales aux expositions universelles au XIXe siècle

Lors de cette deuxième séance, nous nous intéressons aux collections animales sous l’angle de leur exposition, entre objectification marchande et curiosité scientifique, entre pulsion scopique et ordonnancement du vivant...

Invité(e)s :

Thierry Buquet (Histoire, CNRS, Centre Michel de Boüard-CRAHAM, CNRS-Université de Caen Basse Normandie)

Garder et montrer les animaux exotiques dans les ménageries médiévales

Sophie Corbillé et Emmanuelle Fantin (Sciences de l’information et de la communication, CELSA Sorbonne Université, GRIPIC)

Les animaux dans les expositions universelles au XIXe siècle: monstration, ordonnancement et requalification du vivant. Paris et Londres, 1851-1889

Résumés, bios et bibliographie

Thierry Buquet. Diplômé de l’École pratique des hautes études, élève de Michel Pastoureau, Thierry Buquet est ingénieur de recherche au CNRS, rattaché au Centre de Recherches Archéologiques et Historiques Anciennes et Médiévales de l’Université de Caen Normandie (Craham UMR 6273). Co-responsable du programme Ichtya, qui recense la littérature ichtyologique de l’Antiquité à la Renaissance, il dirige également le projet Dyrin, un inventaire bibliographique sur l’histoire de la faune septentrionale, et travaille sur différents projets de bases de données de textes et de manuscrits médiévaux. Ses recherches portent sur l’histoire culturelle des animaux exotiques, la transmission des savoirs zoologiques de l’Antiquité à la Renaissance, les ménageries princières et les cadeaux diplomatiques animaliers. Il termine actuellement une monographie sur l’histoire de la girafe de l’Antiquité au xix^e siècle.

Résumé. Garder et montrer les animaux exotiques dans les ménageries médiévales — Au moins depuis Charlemagne, rois et empereurs européens ont possédé des animaux exotiques, formant ce qu’il est coutume d’appeler par facilité des « ménageries » princières. En effet, ce terme moderne, appliqué aux collections zoologiques à partir du xvii^e siècle, est quelque peu anachronique pour s’appliquer directement au Moyen Âge. Malgré la relative rareté des sources, il est possible d’avoir une idée de la composition de ces ménageries, notamment en ce qui concerne les animaux exotiques, qui seront le sujet de cet exposé. La noblesse entretient également des parcs de chasse, où sont parqués du gibier (cervidés, sangliers, etc.) ainsi que des auxiliaires cynégétiques (chiens, faucons et même des guépards) et bien évidemment de nombreux chevaux. Nous nous intéresserons avant tout à la faune africaine et asiatique, qui ne semble n’avoir d’autre rôle qu’ornemental ou comme symbole de pouvoir et de richesse. Je donnerai quelques exemples d’exhibition de la faune exotique, soit dans des spectacles en lieu clos (lions, combats d’animaux), soit dans des mises en scènes triomphales, ou des cortèges royaux, où le souverain fait défiler à sa suite certains animaux rares qu’il possède pour frapper les imaginations. J’aborderai aussi, dans le sillage des travaux d’Éric Baratay, la question des conditions de captivité, et la mortalité des animaux exotiques. Les livres de comptes nous renseignent parfois sur les coûts d’entretien des ménageries et de nourrissage des bêtes, les travaux faits pour les cages, ou les accidents survenus, notamment avec les lions, panthères ou guépards qui blessent ou tuent leurs gardiens. Certains animaux exotiques vivent au plus près du prince, dans le château, par exemple les singes ou des perroquets, mais aussi parfois des fauves. Se dessine alors de ce panorama un paysage animal qui nous semble familier, en préfigurant les ménageries de la Renaissance et de la première modernité, entre curiosité pour l’exotisme et mise en scène du faste royal.

Buquet T. 2021. — Aspects matériels du don d’animaux exotiques dans les échanges diplomatiques, in Bauden F. (ed.), Culture matérielle et contacts diplomatiques entre l’Occident médiéval, Byzance et l’Orient islamique (xi^e-xvi^e). Leiden,

Delort R. 2000. — Le prince et la bête, in Paviot J. & Verger J. (eds.), Guerre, pouvoir et noblesse au Moyen Âge. Mélanges en l’honneur de Philippe Contamine. Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne. p. 185–195. (Cultures et civilisations médiévales; 22).

Giese M. 2008. — Die Tierhaltung am Hof Kaiser Friedrichs II. zwischen Tradition und Innovation, in Görich K. & Keupp J.(eds.), Herrschaftsräume, Herrschaftspraxis und Kommunikation zur Zeit Kaiser Friedrichs II. Munich, Herbert Utz Verlag. p. 121–171. (Münchner Beiträge zur Geschichtswissenschaft; 2).

Lievois D. & Van den Abeele B. 2012. — Une ménagerie princière entre Moyen Âge et Renaissance. La Cour des Lions à Gand de 1421 à 1641. Reinardus 24: 77–107.

Loisel G. 1912. — Histoire des ménageries de l’Antiquité à nos jours. Paris, O. Doin et fils, vol. 1.

Morales Muñiz D.C. 2000. — La fauna éxotica en la Peninsula Ibérica: apuntes para el estudio del coleccionismo animal en el Medievo hispánico. Espacio, tiempo y forma. Serie III, Historia medieval 13: 233–270.

Paravicini W. 1993. — Animaux pour un roi mourant. Louis XI et les Hanséates de 1479 à 1483, in Contamine P., Dufour T. & Schnerb B. (eds.), Commerce, finances et société (xi^e-xvi^e siècle). Recueil de travaux d’Histoire médiévale offert à M. le Professeur Henri Dubois. Paris, Presses de la Sorbonne. p. 101–121. (Cultures et civilisations médiévales; 9).

Pastoureau M. 2008. — Les ménageries princières, du pouvoir au savoir (xiie-xvie siècle), in Paravicini A. (ed.), I saperi nelle corti. Knowledge at the Courts. Micrologus. Nature, Sciences and Medieval Societies 18: 3–30.

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Emmanuelle Fantin est maîtresse de conférences au Celsa Sorbonne-Université et chercheuse au GRIPIC (Groupe de recherches interdisciplinaires sur les processus d’information et de communication). Ses travaux portent sur les médiations ordinaires, institutionnelles et marchandes de la mémoire et de l’histoire, et sur les formes contemporaines de la nostalgie. Elle s’intéresse aussi aux dispositifs d’exposition et de spectacularisation des animaux du XIXe siècle à nos jours. Elle a co-dirigé l’ouvrage Nostalgies contemporaines. Médias, cultures et technologies, paru en 2021 aux Presses Universitaires du Septentrion et Paris, capitale médiatique. Ville et Presse au XIXème siècle, à paraître en 2022 aux Presses Universitaires de Vincennes. Elle prépare une biographie intellectuelle de Jean Baudrillard à paraître en 2022 (Reaktion Book, coll. Critical Lives).

Sophie Corbillé est professeure au Celsa Sorbonne Université et chercheuse au GRIPIC. Ses travaux portent sur des dispositifs de médiation et de médiatisation qui jouent un rôle important dans la (re)production des sociétés capitalistes, globalisées et urbaines comme les Expositions universelles, les marques territoriales ou les parcs à thème. Elle s’intéresse aussi aux dispositifs d’exposition et de spectacularisation des animaux du XIXe siècle à nos jours. Elle est l’auteure de l’ouvrage Paris bourgeoise, Paris bohème. La ruée vers l’est (PUF, 2013) et de Paris résidence secondaire (avec S. Chevalier et E. Lallement, Belin/MSH, 2013). Elle a également a co-dirigé l’ouvrage Paris, capitale médiatique. Ville et Presse au XIXème siècle, à paraître en 2022 aux Presses Universitaires de Vincennes.

Résumé. Les animaux dans les expositions universelles au XIXe siècle: monstration, ordonnancement et requalification du vivant. Paris et Londres, 1851-1889 – Parmi les nombreux dispositifs de monstrations des animaux au XIXème siècle (hippodromes, cirques, ménageries itinérantes, aquariums, etc.), les expositions universelles n’ont été que peu été étudiées. Pourtant, les animaux participent bel et bien à ces gigantesques événements.  Comment sont-ils présentés et mis en scène ? En quoi les expositions universelles participent-elles à leur (re)qualification ? En quoi contribuent-elles à la fabrication de nouveaux rapports entre humains et non-humains ? Enfin, comment l’exhibition des animaux les transforme-t-elle en «acteurs-objets » au service du capitalisme en expansion, sous l’égide de la « modernité » et du « progrès » ?

Corbillé (Sophie) et Fantin (Emmanuelle), « Les animaux dans les expositions universelles au xix^e siècle: monstration, ordonnancement et requalification du vivant. Paris et Londres, 1851-1889 », Culture & Musées [En ligne], 35 | 2020, 

Blanchard (Pascal), Boëtsch (Gilles) & Jacomijn Snoep (Nanette) (dir.). 2011. Exhibitions. L’invention du sauvage,Arles, Paris :Actes Sud, Musée du Quai-Branly.

Breckenridge (Carol A.). 1989. « The aesthetics and politics of colonial collecting: India at world fairs ». Comparative Studies in Society and History, 3(1-2), p. 195-216.

Cowie (Helen). 2014. Exhibiting Animals in Nineteenth-Century Britain. Empathy, Education, Entertainment.Basingstoke (UK) :Palgrave Macmillan.

Estebanez (Jean). 2014. « Des animaux-objets ? Réification, résistance et (re)qualification dans les zoos occidentaux ». Géographie et cultures, 91-92, p. 128-154.

Houdart (Sophie). 2011 « Le mammouth à l’Expo, ou comment reconstituer la chaîne de l’existence », p. 40-48 in Humains, non-humains. Comment repeupler les sciences sociales / sous la direction de Sophie Houdart et Olivier Thierry. Paris : La Découverte.

Lorenzi Camille, « L’engouement pour l’aquarium en France (1855-1870) », Sociétés & Représentations, 2009/2 (n° 28), p. 253-271.

Mitchell (Timothy). 1989. « The World as exhibition ». Comparative Studies in Society and History, 31(2), p. 217-236.

Ory (Pascal). 2010. « Les Expositions universelles de 1851 à 2010 : les huit fonctions de la modernité », p. 225-233 in Temps croisés I / sous la direction de Duanmu Mei et Hugues Tertrais. Paris : Éd. de la Maison des sciences de l’homme

Séance 3. Jeudi 5 janvier 23. 14h-17h. Museum. 45 rue Buffon, Paris, Grand amphithéâtre d’entomologie. (également à distance).

Biographies animales. Retrouver la singularité des individus au sein de la collection

Au cours de cette troisième séance, nous aborderons la question de la singularité des vies animales mises en collection, qu’il s’agisse de réfléchir à l’usage des données disponibles sur les spécimens muséalisés sous forme de taxidermies, ou de penser les manières de rendre compte d’individus vivants observés dans leur milieu, de collecter des informations ou de restituer des biographies sensibles… Que reste-t-il de l’individu animal lorsqu’il en vient à représenter une espèce, un écosystème ou un territoire ? Comment sa singularité prend-elle sens au sein d’une collection ?

Invité(e)s :

Santiago Aragon (Histoire des sciences et biologie animale, Maître de Conférences à la Faculté des Sciences et Ingénierie de Sorbonne Université, PALOC)

Sur la peau d’un animal. Biographies zoologiques figées dans des vitrines.

Vanessa Manceron (Anthropologue, CNRS, LESC)

Collectes naturalistes et assemblages : entre inventaires et suivis d’oiseaux

Résumés, bios et bibliographie

Santiago Aragon est Maître de Conférences à la Faculté des Sciences et Ingénierie de Sorbonne Université et membre associé de l’UMR PALOC. Ses recherches portent sur l’étude de l’institutionnalisation de la zoologie, en France et en Espagne, tout au long des XIXe et XXe siècles. Il a mené des études sur l’histoire de la taxidermie, l’acclimatation d’animaux utiles ainsi que sur les collections universitaires à vocation pédagogique.

Résumé. Sur la peau d’un animal. Biographies zoologiques figées dans des vitrines. Les salles des muséums d’histoire naturelle regorgent d’animaux naturalisés. Œuvre d’habiles taxidermistes, certains sont devenus au fil du temps des éléments emblématiques des institutions qui les abritent. Le public les perçoit comme la matérialisation parfaite de l’espèce à laquelle ils appartiennent. Pourtant, au-delà de cette signification symbolique, derrière chacun d’eux se cache une histoire de vie. S’intéresser à cette histoire, c’est renforcer davantage leur valeur patrimoniale, pédagogique et scientifique tout en dignifiant l’individu, l’être vivant, l’animal. Le travail effectué dans les collections de taxidermie du Muséum National des Sciences Naturelles de Madrid servira de fil conducteur à notre histoire. Au cours des premières décennies du XXe siècle, les salles du muséum ont été rénovées pour faire place à la sensibilité écologique grâce à de splendides dioramas représentant des paysages ibériques. Naturalistes, gestionnaires et taxidermistes ont été les responsables de cette transformation. Leur contribution a fait l’objet d’étude et de reconnaissance. En revanche, eux, les animaux, principales vedettes à l’intérieur des vitrines, ont été passés sous silence. Pourtant, de nombreuses informations les concernant restent inexploitées dans les archives. À partir de cette première expérience, un programme d’étude sera esquissé, centré cette fois sur le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris et ses magnifiques collections.

Casado, S. et Aragon, S. 2014. Vignettes of Spanish Nature: Imagining a National Fauna at the Museo Nacional de Ciencias Naturales, Madrid (1910-1936). Historical Studies in the Natural Sciences 44 (3), 197-233

S. Aragon. 2018. Collections pédagogiques universitaires et construction de savoirs naturalistes. In Juhé-Beaulaton (Dominique) & Leblan (Vincent) (sous la dir.), Le spécimen et le collecteur : savoirs naturalistes, pouvoirs et altérités (xviiie-xxe siècles), Paris : Muséum national d’Histoire naturelle, (Archives ; 27), 250-275

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Vanessa Manceron est anthropologue, chercheur au CNRS. Ses recherches portent principalement sur les rapports à la nature en France, en Angleterre et actuellement en Italie. Ses principaux axes de travail concernent les controverses environnementales, les menaces, la cause animale, les relations avec le vivant. Elle a publié un ouvrage Une terre en partage. Liens et rivalités dans une société rurale (2005, MSH), de nombreux articles, et codirigé plusieurs numéros de revue, dont « Les animaux de la discorde » (2009), « L’imaginaire écologique » (2013) et « La mesure du danger » (2015). En 2016, Vanessa Manceron a relancé la revue Terrain. Anthropologie & sciences humaines dont elle a été rédactrice en chef pendant plusieurs années. Son dernier ouvrage Les Veilleurs du vivant (2022, La Découverte) porte sur l’engagement des naturalistes amateurs anglais dans la connaissance de la biodiversité.

Résumé. Collectes naturalistes et assemblages : entre inventaires et suivis d’oiseaux. Les listes d’espèces consignées dans les carnets de terrain des naturalistes amateurs anglais sous la forme de « records » forment-elles des collections ? En mémorisant les spécimens vus et identifiés dans leur milieu de vie, les naturalistes écrivent une histoire et une géographie cumulative la plus exhaustive possible des présences (et des absences) observables in situ. On s’intéressera aux méthodes et modalités de la collecte de ces choses vues, pour mieux comprendre la singularité de ces formes d’accumulations et d’assemblages contemporains qui prolongent mais rompent également avec la forme collection. Il sera également question de pratiques d’observation qui s’apparentent à des suivis intensifs et localisés d’oiseaux, faisant surgir derrière le spécimen représentant de son espèce, des variations individuelles, qu’il s’agit également de répertorier et dont on garde trace sous la forme d’écrits et de dessins.

Robert R. Kohler, All creatures. Naturalists, Collectors, and Biodiversity, 1850-1950, Princeton University Presse, 2006.

David Elliston Allen, The naturalists in Britain. A social history, Penguin Books, Londres, 1976.

Eileen Crist, Images of Animals : Anthropomorphism and Animal Mind, Temple university Press, Philadelphie, 2012.

Vinciane Despret, La danse du cratérope écaillé, La Découverte, 1996.

Vanessa Manceron, Les veilleurs du vivant. Avec les naturalistes amateurs, La Découverte, 2022.

Séance 4. A huis clos pour les étudiants inscrits uniquement. Museum. 45 rue Buffon, Paris, Grand amphithéâtre d’entomologie. Mardi 31 janvier 2023 14h-16h en visio : lien de connexion.

Séance de travail avec les étudiants. 

 

Séance 6. Jeudi 2 février 23. 14h-17h. Muséum, 45 rue Buffon. Grand amphithéâtre d’entomologie (également à distance).

Le vivant dans les collections d’art. Enjeux de conservation et d’exposition

Cette séance abordera les collections vivantes sous l’angle de l’art, dont les œuvres intègrent parfois littéralement le vivant… que ce soit délibérément (installations d’art contemporain) ou bien malgré elles (« infestation » des réserves). Une occasion de poser à nouveaux frais les questions, scientifiques et artistiques, techniques et éthiques, relatives à la conservation et à l’exposition des collections… vivantes ou non.

Invité(e)s :

Tiziana Beltrame (Anthropologie)

Ethnographie de piégeage d’insectes dans un espace d’exposition d’objets d’art et d’ethnographie extra européenne à Paris

Cyrille Bret (Histoire de l’art, Haute école des arts du Rhin Mulhouse-Strasbourg)

Le vivant dans les collections d’art contemporain: entre impossibilité de vivre en situation de collection et impossibilité de perdurer en situation d’exposition, l’entité vivante au prisme de sa mise en protocole

Résumés, bios et bibliographie

Tiziana Beltrame travaille dans le domaine de l’anthropologie des sciences du patrimoine. Elle a soutenu une thèse sur la reconfiguration des collections du musée du quai Branly – Jacques-Chirac via la numérisation de la documentation et l’informatisation de la gestion des collections. Ses recherches actuelles portent sur les pratiques de conservation des objets muséaux, numérique et physique, sur leurs temporalités et sur l’instabilités des matériaux du patrimoine. Elle est actuellement engagée dans un projet de recherche qui porte sur l’externalisation des réserves muséales au sein du LATTS (Laboratoire Techniques Territoires et Sociétés, Université Gustave Eiffel). 

Résumé. “Ethnographie de piégeage d’insectes dans un espace d’exposition d’objets d’art et d’ethnographie extra européenne à Paris” – Parce qu’ils font  partie des collections muséales, les insectes sont conservés et exposés. Peuplant les environnements de conservation et d’exposition, ils sont capturés et classés. Le piégeage n’est pas tant une méthode d’éradication qu’une méthode de suivi, ce qui  permet alors de cartographier la présence de ces insectes dans l’espace d’exposition. Les actions de conservation préventive se saisissent de  leur cycle de vie pour comprendre l’écosystème du musée et trouver des moyens environnementaux pour lutter contre les infestations biologiques. Le bruit de fond, ou bruit ambiant, peut être conçu ici comme un inventaire de coexistences, réalisé en prélevant des échantillons et en les comparant dans le temps. Il s’agit d’établir des paramètres ordinaires de la vie ambiante, considérés comme incontournables, au-delà desquels on peut envisager l’infestation. Il ne s’agit pas simplement d’appliquer des connaissances pour contrer les menaces, mais de produire des connaissances pour définir le zoo du musée.

Références complémentaires :

BELTRAME, T.N. (à paraître) « A Matter of Dust, Powdery Fragments and Insects: Objects’ Temporalities Grounded in Social and Material Museum Life  » in : Karin Tybjerg and Martin Grünfeld (eds.) special issue Collections, Knowledge and Time, Centaurus Journal. 

BELTRAME, T. N. 2017. « L’insecte à l’œuvre. De la muséographie au bruit de fond biologique des collections », Techniques & Culture, vol. 2, n°68, pp. 162-177. 

DENIS, J., PONTILLE, D. 2022. Le soin des choses. Politiques de la maintenance, Paris, Editions La Découverte.

DOMINGUEZ RUBIO, F. 2020. Still Life. Art and the Ecologies of the Modern Imagination, Chicago, University of Chicago Press. 

PINNINGER, D. 2015. Integrated Pest Management in Cultural Heritage, London, Archétype Publications.

RAFFLES, H. 2010. Insectopedia. New York, Pantheon Books. 

Cyrille Bret est historien de l’art, professeur à la HEAR (unité de recherche FAIRE-MONDES), après avoir été ATER à l’université Lyon 2. Croisant l’anthropologie et la sociologie pragmatique, sa démarche vise à décrire les situations d’interactions qui forment les modes d’existence des œuvres. Ses travaux portent sur les enjeux du vivant dans l’art contemporain, l’agentivité des objets, le rôle de la partition ou du protocole dans les pratiques artistiques, les matrices plasticognitives et les reconfigurations critiques liées à la globalisation. Il est l’auteur de l’essai, Robert Filliou et sa recherche (Inter éditeur, 2010), et a codirigé les ouvrages Hervé Youmbi And Beyond (HEAR, 2019) ainsi qu’Objets à l’état vif (Les Presses du réel / HEAR, à paraître en 2023). Il a travaillé pour l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne, le Mac Lyon, la Biennale de Lyon, et a été commissaire d’événements autour de la performance littéraire (Inter’actions, Subsistances de Lyon, 2003 ; Grammasonic, Centre Culturel Suisse de Paris, 2005). Enfin, il est poète, membre de la revue et du collectif Boxon (Lyon) depuis 1998.

Résumé – “Le vivant dans les collections d’art contemporain : entre impossibilité de vivre en situation de collection et impossibilité de perdurer en situation d’exposition, l’entité vivante au prisme de sa mise en protocole” – Les œuvres d’art incorporant des entités vivantes sont désormais courantes (sans être dominantes) dans le champ de l’art contemporain, et leur entrée dans une collection n’est pas sans poser maints paradoxes : ne pouvant se plier aux exigences d’une vie en caisse et a fortiori en réserve, les entités vivantes implémentées dans des dispositifs artistiques n’existent pleinement que dans les interstices temporels du cadre expositionnel : comment dès lors ces entités circulent-elles de la situation de conservation à celle de l’exposition et réciproquement ? Quelles dispositions particulières, quelles pratiques et quels acteurs sociaux permettent ce passage de la condition d’objet à celle d’agencement à l’équilibre fragile ? A travers une série d’études de cas, l’accent sera mis sur l’agentivité contractuelle propre aux formes de l’intention artistique (notes de travail, esquisses, protocoles ad lib.), mais aussi sur d’éventuels conflits inhérents à ce type d’œuvres. Enfin, cet exposé sera l’occasion d’évoquer des questions méthodologiques, et les rapports féconds que la démarche de l’histoire de l’art peut entretenir avec l’anthropologie ou certains courants sociologiques.

Cyrille Bret, « Les collections d’art contemporain à l’épreuve du vivant à travers quelques cas remarquables », Gradhiva [En ligne], 23 | 2016, mis en ligne le 25 mai 2019, consulté le 28 novembre 2022. URL: http://journals.openedition.org/gradhiva/3170

Séance 5. Vendredi 17 mars 23. 9h30-12h30 (initialement prévue le jeudi 19 janvier). Museum. 45 rue Buffon, Paris, Grand amphithéâtre d’entomologie. (également un lien de connexion pour suivre à distance).

 

Collections vivantes et histoire des pathogènes 

Comment les collections microbiologiques contemporaines peuvent être mobilisées comme archives et références pour comprendre la propagation d’un pathogène ou son évolution biologique….

Invité(e)s :

Claas Kirchhelle, historien, University College Dublin

Cultures & Codes: the evolving use of bacterial culture collections (ca. 1917-2022).

Lionel Gagnevin , agronome, phypopathologue, épidémiologue, CIRAD, Montpellier

Deux cents ans de solitude : les herbiers de muséums, conservatoires de l’histoire évolutive des pathogènes des cultures

Résumés, bios et bibliographie

Claas Kirchhelle is a historian of ‘bugs and drugs’. Based at University College Dublin, he researches the history of microbial environments, infectious disease, and the development, marketing, and regulation of pharmaceuticals. Since completing his DPhil at the University of Oxford in 2015, he has authored three books on the history of antibiotics in food production (Pyrrhic Progress, 2020), the history of animal welfare, science, and activism (Bearing Witness, 2021), and the past and present of typhoid control (Typhoid, 2022). Policy & Public Engagement is an important part of Claas’ work. His research has informed national and international policy reviews on antimicrobial resistance (AMR), public health surveillance, and adverse effect compensation. He has also co-curated two multi award-winning exhibitions on the history of penicillin (Back from the Dead) and typhoid (Typhoidland). 

Abstract. Cultures & Codes: the evolving use of bacterial culture collections (ca. 1917-2022) — Spread across the globe, bacterial culture collections contain invaluable information on the evolving composition of the microbial biosphere. However, these collections are far from neutral depictions of the world around us. Instead, their composition and locations reflect the shifting geopolitical, socio-economic, and scientific logics of the sampling networks that assembled them. Focusing on collections in France and the UK as well as the World Federation of Culture Collections (WFCC), this presentation surveys the origins, growth, and shifts of microbial culture collections since the First World War. It shows how changing national needs, new biotechnological applications, and reformulated concepts of intellectual property changed the composition of and access to preserved microbial resources. Ending in the post-Nagoya Protocol era, it also highlights the persistence of extractive (post)colonial research networks and how lack of historical awareness can distort current microbiological research.

Strasser, Bruno J. “Collecting experiments.” In Collecting Experiments. University of Chicago Press, 2019. Chapter One.

Kirchhelle, Claas and Kirchhelle, Charlotte ‘Northern Normal – Laboratory Networks, Microbial Culture Collections, and Taxonomies of Power (1939-2000)’, ESTS, 2022.

Lionel Gagnevin est ingénieur agronome et docteur en phytopathologie, Lionel Gagnevin est chargé de recherches au CIRAD au « Plant Health Institute of Montpellier ». Après avoir passé une vingtaine d’années à l’Île de la Réunion consacrées à l’épidémiologie de terrain, il étudie maintenant la dynamique évolutive et l’épidémiologie des maladies bactérienne des cultures tropicales par des approches de génétique et génomique des populations. En 2017, après avoir observé par hasard des symptômes d’infection bactérienne sur des feuilles de cédrat conservées à l’Herbier du Muséum, il lance un projet d’exploration des ressources d’herbiers afin de reconstituer l’histoire globale de ces pathogènes. [Il est coauteur d’un ouvrage sur l’utilisation des herbiers de muséums pour la compréhension des maladies de plantes et une revue sur l’utilisation des ressources paléontologiques, archéologiques et historiques pour comprendre l’histoire de l’agriculture et des épidémies agricoles.]

Résumé – Deux cents ans de solitude : les herbiers de muséums, conservatoires de l’histoire évolutive des pathogènes des cultures : L’un des objectifs de la phytopathologie est de comprendre comment les agents pathogènes évoluent à long terme, par exemple pour se spécialiser sur une plante hôte, et quelle est leur dynamique évolutive et démographique à court terme, expliquant le développement des épidémies agricoles. Ces deux aspects sont explorés par des approches génétiques à partir de populations de microbes modernes en situation endémique ou épidémique. Le développement de techniques d’analyse des acides nucléiques anciens, récemment récompensé d’un prix Nobel, a permis d’explorer des ressources longtemps ignorées : les plantes séchées conservées dans les herbiers mondiaux, une collection de centaines de millions d’échantillons caractérisés botaniquement, géographiquement et temporellement. Notre équipe s’intéresse au chancre bactérien des agrumes, maladie aujourd’hui répandue sur le globe et problème majeur pour la citriculture. Je montrerai comment des échantillons d’herbiers peuvent être comparés génétiquement aux populations modernes et en quoi ils permettent de reconstituer les grandes étapes de l’émergence d’un agent pathogène en relation avec le développement de l’agriculture, de son expansion géographique rythmé par les échanges commerciaux puis coloniaux, mais aussi, en prenant l’exemple des îles de l’Océan Indien comment son arrivée et son expansion dans la région sont probablement liées au développement de l’engagisme au milieu du XIXe siècle. 

Gagnevin L, Rieux A, Lett J-M, Roumagnac P, Szurek B, Campos P, Baider C, Gaudeul M, Becker N (2021) Les herbiers, une fenêtre ouverte sur l’histoire évolutive des agents pathogènes des cultures. In: Les collections naturalistes dans la science du XXIe siècle, (Pellens R, ed.) pp. 197-219. ISTE: London, UK

Malmstrom CM, Martin MD, Gagnevin L (2022) Exploring the emergence and evolution of plant pathogenic microbes using historical and paleontological sources. Annual Review of Phytopathology 60: 187-209